Le Père Goriot
L’incipit du roman
La mise
en place d’un cadre vraisemblable.
·
Le lieu :–
L’auteur fait référence à un lieu précis, situé dans Paris, « entre le
Quartier latin et le faubourg Saint-Marceau ». Balzac connaît bien ce côté
de Paris pour y avoir vécu.
– Il resserre un peu plus le cadre, pour se concentrer
sur la pension, dirigée par Madame
Vauquer, qui lui donne son nom. Cette inscription dès
le début dans la pension donne l’impression d’un huis-clos, comme dans la
tragédie. La pension est bourgeoise, mais très bon marché. Balzac choisit
d’ancrer son roman dans un milieu modeste.
·
L’époque
:
– 1819 : date de début de l’histoire. Restauration.
1814-1830 : après le Premier Empire (Napoléon 1er),
qui s’effondre en 1814, c’est Louis VXIII qui arrive au pouvoir. Monarchie de
droit divin, mais avec deux chambres parlementaires, qui votent les lois (le
roi les propose). Louis XVIII avait montré une certaine évolution dans sa
conception du pouvoir. En 1824, qd il meurt, c’est Charles X qui lui succède,
avec un esprit beaucoup plus étroit. Cela mène à la révolution de juillet 1830,
qui veut faire tomber ce souverain réactionnaire. Puis, monarchie de juillet,
avec Louis-Philippe.
Et c’est une quinzaine d’année avant la date
d’écriture et de publication du roman.
Ce sont
les éléments qui permettent à l’auteur d’indiquer les caractéristiques du monde
dans lequel prend place son roman. (fonction
d’ancrage dans l’univers romanesque, fonction informative)
·
D’infimes
indices pour la poursuite de l’intrigue :
C’est la mention de la « pauvre jeune
fille », dans laquelle on reconnaît après coup Victorine Taillefer.
Pourquoi elle ? Peut-être parce qu’elle représente le choix que devra faire
Rastignac : succomber à la tentation du mal (le plan de Vautrin) ou suivre le
chemin de la vertu.
De plus, le lecteur sait que le roman finira
tristement, puisque l’auteur pressent quelques larmes possibles chez le
lecteur.
Cela
permet au lecteur d’entrer petit à petit dans le roman, grâce à ces quelques
indices divulgués au cours de l’incipit. (fonction
d’introduction, fonction dramatique, de drama/action)
La
particularité parisienne
– L’auteur en effet présente comme exceptionnelle la
situation géographique du roman. Il suppose une particularité liée à la vie
parisienne, qui deviendrait incompréhensible une fois que l’on s’éloigne de la
capitale. « Sera-t-elle comprise au-delà de Paris ? ».
– Cela
permet également de faire de son roman une œuvre hors du commun, tout comme le
sujet qu’elle aborde. En effet, la formule « cette vallée […] si
terriblement agitée qu’il faut je ne sais quoi d’exorbitant pour y produire une
sensation de longue durée » semble annoncer que le roman va prendre pour
sujet un de ces événements exorbitants ». Cela a pour but de renforcer
l’attrait du roman et d’aiguiser la curiosité du lecteur. (Fonction de
séduction et d’accroche)
Ces évènements sont créés par la rencontre des vices
et des vertus, grandes catégories morales, mais, s’ils parviennent un instant a
marqué le public, la vie reprend rapidement son cours (comparaison au char de
Jaggernaut).
Paris
s’apparente donc à un microcosme qui offre une vision exagérée, caricaturée et
comme passée à la loupe des vices, des vertus et des actions des hommes.
L’interpellation
du lecteur
–
L’auteur, après avoir souligné à quel point les émotions, aussi fortes
soient-elles, s’estompent rapidement dans les cœurs parisiens, il s’adresse
directement au lecteur, par le biais de la 2e personne du pluriel :
« Ainsi ferez-vous ». L’intérêt de ce passage est qu’il décrit l’acte
de lecture (bien assis dans un fauteuil, curiosité du lecteur, son sentiment
final). (fonction de séduction)
– Ceci
est un prétexte pour Balzac qui revendique l’authenticité, la vérité de ce
récit : « All is true », affirme-t-il en reprenant la formule de
Shakespeare (sous-titre de la pièce Henry 8). Cela nous invite bien sûr à
considérer a posteriori cette déclaration à la lumière de ceux qui
ont pensé le réalisme. Balzac joue ici à l’illusionniste qui crée un
monde parallèle, qu’il veut plus vrai que le monde réel. (fonction :
l’incipit définit le type d’écrit et établit le pacte de lecture). Ici,
sur quelle base est défini le pacte de lecture ? Le lecteur doit prendre pour
vrai tout ce qu’il va lire et se laisser gagner par l’émotion.
– Cet élément du pacte est défini par la dernière
phrase de l’incipit, qui met l’accent sur la possibilité pour chacun de se
retrouver dans l’histoire qui va être contée.
Ceci est donc
un incipit (de « incipio » en latin qui signifie
« commencer »), c’est-à-dire les premières pages ou
les premiers paragraphes d’une œuvre littéraire, le plus souvent un roman.
L’incipit présente traditionnellement quelques caractéristiques :
·
il donne
les informations de base (où quand, qui ?…).
·
il présente
les modalités du récit (qui raconte ? Quel est le genre du texte ?) et noue le
pacte de lecture (le pacte de lecture: il s’agit d’une sorte de programme
accepté par le lecteur. Tout texte propose un pacte de lecture. Le lecteur doit
accepter un certain nombre de contraintes pour « entrer » dans le
texte, notamment par rapport à la « réalité » de ce qu’il lit).
·
Il cherche
à intéresser le lecteur.
·
Il incite
le lecteur à entrer dans l’action, dans la drama (fonction dramatique
de l’incipit).
Quel est le
point de vue adopté dans cet incipit ?
Le
narrateur est un narrateur omniscient (focalisation zéro) : il
connaît même la fin de l’histoire. On sent dans cet incipit qu’il maîtrise tous
les fils du récit et qu’il joue de sa position surplombante (au-dessus de la
vallée).
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